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La vie d'un homme extraordinaire
4 mars 2006

Au service de la Nation

Mon cursus universitaire, à l’image de tout ce que j’ai toujours entrepris, atteignit un niveau inédit d’excellence. En quelques années j’obtins tous les diplômes possibles et imaginables dans tous les domaines du savoir car il me fallait tenter d’apaiser l’appétit inextinguible de mon esprit boulimique. Je voyageais alors beaucoup, partagé entre mes études et les conférences que je donnais moi-même, passant de la Sorbonne à Cambridge, de Yale à Oxford, de Harvard à West Point.
Ah, West Point ! Le moment est venu de vous parler de mon expérience militaire. Je devine d’ailleurs que ce chapitre vous intéressera davantage que ma période d’étudiant parmi l’élite intellectuelle, milieu bien trop inaccessible à vos propres facultés mentales pour que vous y soyez sensibles.
Comme je l’ai récemment évoqué, il existe dans ma famille une tradition militaire vieille de plusieurs siècles. Sur les champs des plus grandes batailles de l’Histoire, il y a toujours eu un de mes glorieux ancêtres pour commander des soldats, les menant la plupart du temps vers de triomphales victoires. L’art de la guerre regorge de subtilités qui ne peuvent que séduire les grandes intelligences : c’est la raison pour laquelle je tenais impérativement à endosser l’uniforme.
L’Armée est le seul environnement où des êtres d’exception tels que moi tolèrent le contact avec les hommes ordinaires. Sous le drapeau de la Nation, même le plus vulgaire des rustres est touché par une étincelle de noblesse. Exception faite des femmes, naturellement.
Je fus intégré à un commando spécial sous le grade de lieutenant. Les classes furent rudes mais pour constituer un régiment d’élite, il fallait bien séparer le bon grain de l’ivraie. Ceux dont les nerfs craquaient avant la fin de la période préparatoire n’étaient pas dignes de la confiance que la Patrie plaçait en eux. Seuls devaient rester au final les authentiques hommes d’honneur. On nous réveillait à trois heures du matin pour une marche au pas de gymnastique de trente kilomètres, bardas réglementaires de 40 kilos sur le dos. On nous fit partir deux semaines en campement en plein cœur de la Sibérie où nous effectuions des stages de plongée en apnée dans de l’eau à 1 degré, sans équipement autre que notre caleçon. Nous devions savoir nous adapter aux conditions les plus extrêmes : on nous parachuta dans les dunes brûlantes du Sahara, sans eau mais avec un plan pour rejoindre le poste de commandement situé à une centaine de kilomètres du lieu de chute. Je me souviens avoir survécu en capturant des crotales dont le sang m’évita la déshydratation. Et nous apprenions à monter et démonter des armes de plus en plus complexes, de plus en plus vite, une main dans le dos, puis les yeux bandés. Ou encore dans une chambre à gaz où l’on nous envoyait un dérivé de l’ypérite : il fallait alors que l’arme soit reconstituée en moins de trois minutes pour obtenir l’autorisation de quitter la pièce, sous peine de graves liaisons pulmonaires.
Sur les trois cent jeunes officiers engagés dans cet entraînement pour surhommes, plus de deux cent cinquante avaient surestimé leurs capacités. Chaque jour, j’avais vu une dizaine d’entre eux éclater en sanglots et quitter les rangs avec le poids de la honte sur les épaules. Pour ma part je finis major de la promotion et fus élevé au grade de capitaine. Mais mon ascension ne faisait que commencer.

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